Le fast-FPS est un genre vieux comme le monde qui, depuis sa création en 1992 avec l’arrivée de Wolfenstein 3D, n’a que peu évolué. Si DOOM est venu en 1993 affermir la formule en proposant un level-design abouti et des affrontements plus dynamiques et si Quake a tout simplement redéfini la recette en 1996 en exploitant pleinement ce que l’on appelle la troisième dimension (en permettant aux joueurs de viser en bas comme en haut), depuis le genre ressert sa soupe encore et encore jusqu’à épuisement. Les rares jeux qui ont essayé d’innover se sont, de toute façon, cassé les dents ; suffit de regarder du côté des licences les plus célèbres pour s’en rendre compte. Pourtant, le fast-FPS a de beaux jours devant lui. Depuis peu, il vient à nouveau faire la joie des trentenaires et quarantenaires qui ont connu ses débuts grâce à l’arrivée de nouvelles productions volontairement rétro qui refusent catégoriquement d’apporter leur pierre à l’édifice : Turbo Overkill est l’une d’elles.
![]()
Avant d’entrer dans le vif du sujet, notez que Turbo Overkill est actuellement une early access ce qui signifie que le jeu disponible à la vente est encore en cours de développement. Actuellement, seul son premier tiers est jouable. La version finale du jeu, quant à elle, est attendue pour 2023.
![]()
UN CYBERSHOOTER PARMI TANT D’AUTRES ?
Tout comme DUSK, Prodeus ou même Wrath : Aeon of Ruin, le nouveau-né qu’est Turbo Overkill n’est pas là pour réinventer la roue. Tout ce qui devait être écrit a déjà été écrit – John Carmack, le programmateur derrière Wolfenstein 3D, DOOM et Quake, les trois piliers du fast-FPS, s’en est assuré – et ça, Trigger Happy Interactive le sait très bien. Et pour cause, pour développer son premier jeu, le studio s’est entouré des meilleurs : les employés d’Apogee Entertainment. Si cet éditeur ne vous dit peut-être rien, sachez qu’il est étroitement lié à la société Apogee Software qui, en 1996, a changé de nom pour devenir l’iconique 3D Realms que l’on connaît pour avoir publié Wolfenstein 3D et réalisé Duke Nukem 3D, rien que ça. Pourquoi est-ce que je vous dis tout ça ? C’est simple, le fondateur de 3D Realms, Scott Miller, est maintenant l’une des têtes pensantes d’Apogee Entertainment. Les membres de Trigger Happy Interactive ne pouvaient donc par rêver meilleur entourage pour faire de Turbo Overkill un fast-FPS jouissif. Le titre, actuellement disponible en early access, n’essaye donc pas de s’extirper du lot et de proposer une quelconque nouveauté contrairement à ce qu’a déjà tenté la concurrence entre 2005 et 2015, mais se contente de réutiliser les codes instaurés par DOOM premier du nom et ses suites et par la saga Quake, pour s’attarder plus amplement sur son univers, un univers aujourd’hui à la mode : le cyberpunk.
Notre héros, un certain Johnny Turbo, presque mécanique, fait de bric et de broc, déambule dans les rues étroites de Paradise, une gigantesque métropole plongée dans l’obscurité qui porte mal son nom. Ici, dans cet environnement tout en voxel, il pleut constamment. Les bâtiments, anxiogènes, s’étirent tout en hauteur, cachent l’horizon. Ils ne laissent que peu de place pour respirer. Les véhicules, en nombre, flottent dans les airs à l’image de ceux de Blade Runner ou de Cloudpunk et les quelques néons blafards viennent faiblement éclairer les lieux. Cette ambiance sombre, qui rappelle bien évidemment le polémique Cyberpunk 2077 de CD Projekt Red ou encore Ghostrunner, colle parfaitement à notre personnage qui n’a que deux choses en tête : exterminer celui ou celle qui lui a retiré le peu d’humanité qui lui restait et réduire à néant l’intelligence artificielle qui a pris possession de sa ville natale. C’est là que ça devient intéressant… Tout comme notre héros au bras artificiel et à la jambe doté d’une tronçonneuse, la plupart des monstruosités que l’on doit abattre ne sont pas seulement composées de chair, mais aussi d’assemblage divers. Les « shotgun guy » de DOOM sont ici transformés en des êtres robustes mécaniques, les morts-vivants sont possédés par des télévisions cathodiques et sont équipés de gigantesques lames et certains méchas sont contrôlés par des êtres aux corps décharnés.
![]()
UNE RECETTE SURVITAMINÉE !
Turbo Overkill ne fait pas dans l’originalité, l’histoire contée ou l’univers décrit a déjà été vu une bonne cinquantaine de fois, et ce, que ce soit dans le jeu vidéo ou au cinéma. Pour autant, impossible de nier que sa proposition fonctionne à merveille. On se plaît à sillonner ces ruelles et ces lotissements qui, au fur et à mesure que le joueur progresse, se montrent de plus en plus vertigineux, à découvrir ces petites boutiques à munitions aux chansons entêtantes qui rappellent BioShock ou le côté décalé d’un Borderlands et à exploser à coups de canon scié un bestiaire recherché et suffisamment varié. D’ailleurs, clavier/souris en mains, Turbo Overkill fait un sans-faute. Même s’il n’ajoute rien aux piliers du genre, le titre, dynamique, se montre généreux. Il bouge vraiment bien et propose plusieurs façons de se mouvoir pour accélérer constamment l’action déjà frénétique. Il est possible de dasher pour se retrouver dans le dos d’un ennemi par exemple ou de glisser sur des dizaines de mètres pour découper, à l’aide de cette fameuse jambe tronçonneuse, tout ce qui se trouve sur notre passage. Mais finalement, même si ce n’est qu’une early access, le fast-FPS fait surtout la part belle à son arsenal diversifié et complémentaire. Le double pistolets, sous son air limité, permet de locker plusieurs cibles en même temps pour les toucher à coup sûr, la mitrailleuse lourde peut, à tout moment, se transformer en un lance-flamme dévastateur, le fusil à pompe, une fois chargé, balance des balles électromagnétiques qui empêchent les adversaires les plus robustes d’avancer et le canon scié est aussi un lance-grenade particulièrement explosif. Que l’on utilise telle ou telle arme ou que l’on s’amuse à glisser sur plusieurs mètres, le résultat se conclut toujours par une pluie d’hémoglobines satisfaisante qui renforce toujours l’impression d’être une véritable machine à tuer. Au final, on regrettera seulement ces projectiles ennemis qui traversent allègrement les murs ; une erreur qui, je l’espère, sera corrigée lors du lancement de la version définitive.
Ce sentiment de puissance est décuplé par l’arrivée de nombreux gadgets qui rendent le héros encore plus malléable tout en rendant l’expérience plus aérienne, mais aussi par le soin apporté au sound-design des armes – les intonations font constamment mouche – et à la bande-son. Ces basses et ces rifts de guitare énervés viennent rythmer les nombreux affrontements avec une efficacité certaine.
![]()
Une early access au contenu timide ? Même si je vous conseillerai toujours d’attendre que le développement d’un jeu soit terminé pour l’acheter, notez que l’early access de Turbo Overkill ne se fout pas de la gueule des joueurs. Le titre propose cinq niveaux de difficultés, ce qui permet d’y revenir encore et encore, mais surtout huit chapitres qui demandent six bonnes heures pour être terminés. Chacun des chapitres renferme également plusieurs collectables (que l’on peut facilement dénicher) qui permettent de déverrouiller huit stages bonus qui augmentent grandement la durée de vie pour peu que vous aimiez les défis.
![]()
Malheureusement, Turbo Overkill pêche par son level-design qui est bien trop sage par rapport à celui de ses mentors. Les nombreux raccourcis et autres passages secrets se font beaucoup trop rares pour pousser le joueur à explorer. On se contente alors de suivre le chemin tout tracé par les développeurs afin de ne pas se retrouver face à une nouvelle impasse. Heureusement, cette lacune est compensée par l’arrivée de séquences étonnantes qui viennent chambouler le bon déroulement de l’aventure. Si la première partie du fast-FPS est terre-à-terre, l’ensemble devient par la suite plus aérien grâce à l’arrivée de mécaniques inédites – ça, je l’ai déjà dit –, mais aussi de nouvelles idées. Un chapitre en particulier demande par exemple de prendre les commandes d’une voiture volante surarmée et un autre propulse le joueur sur un train balancé à toute vitesse. La première proposition est relativement efficace et permet d’aborder le jeu sous un autre regard en lui découvrant notamment un rythme différent, plus lent. La seconde, par contre, semble trop vouloir se démarquer du reste de l’aventure, et ce, que ce soit au niveau de la progression – qui est ici plus linéaire –, mais aussi de la direction artistique. Lors de ce passage, le visuel se veut tape-à-l’œil, quitte à rendre le tout inutilement épileptique, à l’image de ce passage dans les souterrains régis par des écrans plats géants.
Turbo Overkill manque d’originalité, c’est un fait, et d’ailleurs il l’assume complètement. Tout comme de nombreux fast-FPS de notre époque, le jeu de Trigger Happy Interactive fait le choix de revenir aux sources pour charmer tous ceux qui ont grandi avec les grands classiques du genre et, franchement, ça fonctionne. Malgré un level-design un brin en deçà de celui de ses modèles, la faute à un manque de passages secrets et de chemins optionnels, le jeu se montre agréable à l’œil, bouge bien et arrive facilement à transporter le joueur dans son monde cyberpunk constamment animé par la violence et les gerbes de sang. Mais sa plus grande réussite finalement, c’est que son premier acte (le seul disponible sur trois pour l’instant) arrive à se renouveler sans cesse en transformant peu à peu notre Johnny Turbo en une machine de guerre, en rendant les niveaux de plus en plus aériens et en proposant de nouvelles trouvailles plus que bienvenues. Reste à voir maintenant si Turbo Overkill arrivera à conserver ce rythme effréné qui lui sied si bien et à proposer toujours plus de nouvelles façons d’apporter de nouvelles mécaniques au moment de son véritable lancement attendu pour 2023.
Laisser un commentaire