Nous sommes début 2020, et alors que la sortie de la next-gen approche, et pas qu’un peu, deux constructeurs se font la guerre pour organiser l’événement inoubliable, celui qui restera à jamais gravé dans la tête des joueurs. Et si aucun n’a réussi un tel exploit, on se souvient tout de même que c’est, comme à son habitude, Microsoft qui a ouvert le bal. Le 7 mai 2020, la marque américaine diffuse l’Inside Xbox, un show entièrement dédié aux jeux de la Xbox Series X|S. On a pu notamment apercevoir Yakuza : Like a Dragon, The Medium, The Ascent, DiRT 5, Assassin’s Creed Valhalla, l’arlésienne Vampire : The Masquerade – Bloodlines 2 et, bien évidemment, notre sujet du jour : Bright Memory : Infinite. Étonnamment, ce jour-là, c’est cette production, pourtant conçue par un seul développeur, qui a flatté mes rétines en se présentant comme une véritable vitrine technologique avec du 4K et du ray-tracing au programme, rien que ça. Mais la question que l’on peut se poser maintenant est : n’est-il pas que ça, justement ?
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VOYAGE TEMPOREL
Petit saut dans le temps : nous sommes maintenant en l’an 2036, et comme l’on pouvait s’en douter, l’avenir n’est pas des plus probant. Alors que Shelia est en mini-short en train de profiter sereinement de ses vacances pluvieuses dans une gigantesque métropole chinoise, son boss, le Directeur Chen, l’appelle sur son téléphone dernier cri pour lui annoncer ce que personne ne souhaite entendre : « ta pause est terminée ! ». Ni une ni deux, la chercheuse – pas contrariante pour un sou – enfile son cuir, attrape un katana et dégaine son fusil d’assaut. Elle s’apprête à remplir sa nouvelle mission, celle de résoudre les mystères entourant un phénomène météorologique étrange qui, heureusement, a frappé à quelques kilomètres de là ; le hasard fait bien les choses. Si ces premières minutes aux côtés de Shelia mettent l’accent sur le scénario, rapidement on se rend compte que cette histoire – inutilement cryptique – n’est qu’un prétexte pour propulser notre scientifique sur le champ de bataille, là où des gardes surarmés et malintentionnés fricotent avec des guerriers de la Chine impériale. Vous l’avez sûrement compris, l’arrivée de ces combattants venus d’un autre temps est directement les conséquences de cette anomalie météorologique.
Malheureusement, ce voyage temporel ne s’arrête pas là : si le soft est censé se dérouler en l’an 2036, le gameplay lui, accuse son âge et nous renvoie directement revivre les grandes heures de la sixième génération de consoles. Il faut dire que Bright Memory : Infinite donne vite l’impression d’être fixé sur des rails et de ne jamais pouvoir s’en départir. Manette en mains, cette fâcheuse sensation survient presque immédiatement, dès lors que l’héroïne débarque sur une plage occupée par deux soldats, dont un posté sur un petit talus de terre surplombant le sable humide. Pour pouvoir escalader ce dernier, il est impératif de mettre à mal les forces ennemies alentour, sinon le jeu vous mettra face à un mur invisible. Frustrant ! Si la suite est un peu plus permissive de ce côté-ci, l’aventure de Shelia n’en reste pas moins extrêmement dirigiste. Constamment rythmé par des cut-scenes et des passages obligatoires, le titre dicte sans cesse aux joueurs les règles à suivre ; il n’y a pas de chemin alternatif ou différentes façons de procéder. Un peu à la manière de Shadow Warrior 3 – qui, pourtant, est déjà plus ouvert –, le FPS de FYQD-Studio tire tout droit et ne propose absolument aucun détour.
Néanmoins, impossible de faire la sourde oreille. Le jeu propose son lot de bonnes idées et emprunte même beaucoup aux fast-FPS contemporains pour offrir constamment du grand spectacle. La chercheuse, armée jusqu’aux dents, est plus qu’agile : elle dash pour esquiver les balles, court sur les murs, attire les ennemis vers elle à l’aide de son Exo-Bras ou les découpe dans les airs avec son katana. Des possibilités qui, une fois dans le feu de l’action, pourraient rendre jaloux le Doom Guy si elles étaient parfaitement exécutées, surtout que le tout est aidé par des artifices pyrotechniques impressionnants, des effets de mise en scène aguicheurs – comme ces ralentis qui surviennent lorsque l’on explose en morceaux le dernier ennemi d’une zone – et un sound-design percutant. Cette mobilité bienvenue n’est toutefois que rarement mise à profit, la faute à un level-design peu adapté qui privilégie les zones étroites. Autrement dit, Bright Memory : Infinite restreint ses propres idées ; seuls les combats de boss font ressentir l’énergie qui se dégage de Shelia. Dommage…
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La DualSense, une promesse tenue ? Comme promis dans un récent communiqué de presse, Bright Memory : Infinite exploite parfaitement les différentes technologies de la DualSense, la manette de la PlayStation 5, à commencer par les gâchettes adaptatives qui viennent renforcer l’intensité des affrontements. Malheureusement, le tout est gâché par un vrai manque d’ergonomie. Il faut, par exemple, utiliser la flèche haut du pad pour utiliser les tirs secondaires d’une arme alors que cette action aurait pu être allouée à la touche R1 pour gagner en dynamisme. Notez également que l’exécution d’une même action (grimper, passer sous un obstacle) peut varier en fonction des situations. Encore une fois, ce FPS a quelques années de retard.
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Mais le gros problème de Bright Memory : Infinite ne réside même pas là. Si le jeu de tir propose plusieurs phases de jeux différentes, comme un passage au volant d’un bolide high-tech et une séquence d’infiltration – complètement ratée cela dit –, la production trouve rapidement ses limites. L’arsenal est seulement composé de quatre armes (un fusil d’assaut, un shotgun, un pistolet automatique et un sniper) et le tout se termine beaucoup trop rapidement. Même s’il y a un mode New Game + et une difficulté supplémentaire à déverrouiller, en difficile, pour une première run, le tout se termine en moins de deux heures ; oui, vous avez bien lu. Cela aurait pu ne pas être un problème si Bright Memory : Infinite ne ressemblait pas à un gigantesque prologue, à l’image de sa courte introduction intitulée sobrement Bright Memory sortie fin 2020. C’est simple, quand survient le générique de fin, on se demande si l’on n’a pas manqué quelque chose tellement la production aurait gagné à doubler, voire tripler son temps de jeu.
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LA CLAQUE TECHNIQUE ATTENDUE ?
Bright Memory : Infinite n’était pas spécialement attendu pour son gameplay, mais davantage pour sa partie technique et de ce côté-là, c’est du tout bon ou presque. Comme nous l’avons vu en introduction, le jeu transporte le joueur dans une Chine futuriste, mais qui a tout de même conservé son histoire. Shelia déambule à travers des temples ancestraux ainsi qu’une jungle luxuriante traversée par des cours d’eau. L’ambiance est, de son côté, froide, pluvieuse, ce qui accentue l’aspect dramatique de l’histoire. D’ailleurs, la pluie peut être ici considérée comme un personnage à part entière puisqu’elle empêche les habitants de sortir de chez eux, ce qui laisse le champ libre à Shelia pour dézinguer de nombreux soldats, et ajoute une dimension spectaculaire supplémentaire. Elle vient littéralement fouetter l’écran du joueur pour mieux le recouvrir. Ajoutons à cela des éclairages dynamiques, du ray-tracing, et ce, même sur consoles, et des artifices visuels réussis, notamment lors des explosions ou des combats au corps-à-corps, lorsque deux sabres s’entrechoquent. C’est joli, vraiment, même si Bright Memory : Infinite manque peut-être un brin d’identité. La direction artistique, compensée par de nombreux effets spéciaux, est timide, un peu terne et les environnements ne diffèrent que peu. Ce n’est donc pas une claque graphique, mais c’est tout de même une belle prouesse… et c’est déjà pas mal.
Comme promis, cette partie technique est sublimée par une fluidité exemplaire. En jeu, qu’il y ait une tonne d’explosions et une petite dizaine de gardes autour de Shelia, la production ne souffre d’aucun ralentissement : le tout, 4K et ray-tracing activés, tourne constamment en 60fps (il y a même un mode 120fps pour peu que vous soyez prêt à faire une croix sur les éclairages dynamiques et les reflets en temps réels). Malheureusement, ce soin n’a pas été prescrit aux cut-scenes qui subissent quelques saccades et encore moins aux QTE (quick time event) qui manquent clairement de répondant ; mais ceci n’est qu’un détail.
Même si l’on ressent l’amour de FYQD-Studio pour son jeu, Bright Memory : Infinite n’est finalement qu’un tas de promesses qui fera office de bon portfolio pour son développeur, indéniablement bourré de talents. Le jeu est beau, solide techniquement et délivre des gunfights rythmés grâce à tout un panel de mouvements impressionnants et une mise en scène explosive. Mais toutes ces idées – pourtant extra sur le papier – sont vite limitées, la faute à un level-design trop restrictif, mal pensé, qui n’est pas en adéquation avec l’agilité de Shelia, mais aussi à une durée de vie extrêmement pauvre. Faire le tour de la proposition en moins de deux heures laisse sans voix, surtout que la conclusion ressemble fortement à la fin d’une introduction ; un cas étonnant qui rappelle grandement The Order : 1886.