Il revient de loin ! Bend Studio, autrefois porte-étendard de la marque PlayStation à la fin des années ’90 et début 2000, est tombé dans l’oubli les printemps suivants. Si les aventures à la troisième personne de Gabriel Logan dans Syphon Filter ont marqué les esprits du temps de la première console de Sony, le développeur, à force de vouloir capitaliser sur sa série phare, loupe le coche de la sixième génération de machines ; c’est d’ailleurs Logan’s Shadow, un jeu sorti en 2007 sur PS2 et PSP, qui finira par mettre la maison orégonaise à l’ombre. De fierté de Sony Interactive Entertainment, Bend passe studio de soutien. En 2008, la boîte travaille notamment sur des itérations portables des licences phares de PlayStation (Resistance et Uncharted en tête). Mais après avoir bûché en 2012 aux côtés de One Loop Games sur Fight for Fortune, un jeu de cartes peu reluisant à la sauce Nathan Drake, Bend Studio décide enfin de prendre les choses en main. De là nait une toute nouvelle licence : la tristement célèbre Days Gone.
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Days Gone, son marketing l’a tué (version vidéo)
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UN BUDGET LIMITÉ POUR UN PROJET TROP AMBITIEUX
Sept… C’est le nombre d’années qu’il a fallu aux employés de Bend pour mettre en place leur grande œuvre. Celle qui les dévoilera aux yeux du monde et celle qui est la source de tous leurs maux. Il faut dire que sept années, c’est long… surtout, quand ce n’est pas forcément prévu sur le papier. Mais voilà, fin 2012, Bend n’est encore qu’une petite équipe (elle compte un peu moins de cinquante personnes) et s’attaque à un genre qui demande du temps et qu’il ne connait pas, l’open-world. Que ce soit les Syphon Filter ou Uncharted : Golden Abyss, toutes leurs précédentes productions sont des jeux couloirs rythmés par des situations bien précises… Autrement dit, l’équipe habituée aux TPS linéaires a maintenant tout à réapprendre pour façonner le monde de Days Gone ; une tâche qui s’annonce d’ores et déjà démesurée pour un studio qui n’a pas eu le droit de faire ses preuves pendant près de dix ans. Ça n’a pas loupé, au cours du développement, le studio a pratiquement triplé son personnel pour atteindre les objectifs fixés.
Nous étions 45 au studio et l’on se demandait comment créer un monde ouvert avec cet effectif. La solution était de grossir, donc nous sommes passés de 45 à quelque chose comme 120. Il y avait un budget de départ élevé pour Days Gone, mais nous l’avons largement dépassé. Jeff Ross, directeur de Days Gone
Mais même si cela a fait un trou dans le budget, ce qui ne semble pas être au goût de Sony – nous y reviendrons –, le résultat, selon moi, en valait la chandelle. Il faut bien le reconnaître, le travail réalisé par l’équipe pour mettre en place un univers cohérent est tout simplement dantesque.
Le monde de Days Gone n’a peut-être pas l’envergure pour rivaliser avec les pointures du genre – je pense notamment à Red Dead Redemption II, un jeu auquel j’ai déjà dédié un long article –, mais pour moi, il se situe tout de même dans le haut du panier. À vrai dire, j’ai rarement pris une aussi grosse claque en parcourant un open-world. L’univers conté par Jeff Ross, le directeur du jeu, et son équipe est d’une précision chirurgicale rare. Pour réussir un tel exploit, Bend Studio s’est inspiré de leur quotidien, de leur propre environnement, puisqu’à l’image de leurs bureaux, les aventures post-apocalyptiques de Deacon St. John, le personnage principal de Days Gone, se déroulent en Oregon. Pour vous faire un petit cours de géographie, l’Oregon est un état du nord-ouest des États-Unis plus particulièrement connu pour offrir des environnements diversifiés, allant de paysages désertiques s’étalant à perte de vue, en passant par des bois humides, des zones côtières ou encore des horizons enneigés. C’est donc tout à fait naturel que l’on retrouve cette grande richesse dans Days Gone. Dans le jeu, il est même possible de reconnaître certains lieux incontournables de la région, à commencer par Wizard Island, une île volcanique – qui sert ici de base militaire – entourée du Crater Lake, le lac le plus profond des États-Unis. Bon, pour faire simple, et vous l’avez d’ailleurs sûrement compris, durant les premières heures de jeu, il est tout simplement impossible de s’ennuyer tant la carte fait voyager.
Cette carte n’est pas seulement composée d’une multitude de biômes aux ambiances visuelles et colorimétriques différentes, mais dispose également d’un agencement des lieux naturels, ce qui, encore une fois, est rare dans le jeu vidéo. Cette carte, composée de petites villes, de maisons plus recluses, de lotissements communaux, d’un hôpital, de bases militaires… est aménagée de façon réaliste, ce qui renforce grandement l’immersion ; surtout qu’elle peut être traversée à pied ou bien en enfourchant une moto de drifter, une sorte de Harley-Davidson à la conduite et la physique irréprochable qui n’hésite pas à se rouler dans la boue. Le tout est subjugué par une ambiance western réussie et des graphismes à couper le souffle qui, encore une fois, se situent dans le haut du panier. Les textures sont fines, les jeux de lumières sont saisissants, certains détails en mettent plein la vue – je pense notamment à l’éjection de boue lorsque l’on roule en moto – et les effets météorologiques sont tout simplement impressionnants : la neige vient recouvrir le sol et le vent influe sur l’ensemble de l’environnement. Voir la dense végétation se mouvoir dans tous les sens lors des tempêtes fait son petit effet et donne simplement au joueur l’envie de contempler le paysage des heures durant. Bon, vous l’avez compris, l’univers post-apocalyptique de Days Gone m’a charmé, vraiment.
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UN SIMPLE THE LAST OF US EN MONDE OUVERT ?
Pour vendre des jeux par palettes, il faut mettre des étoiles dans les yeux des joueurs, personne ne dira le contraire… Ça, c’est le rôle de la pub et du marketing. Chaque éditeur et développeur y vont de leur propre stratégie pour insuffler l’envie aux fans de repartir avec un exemplaire de leur dernier triple A. Certains créés le manque en ne donnant que de rares nouvelles, je pense à Rockstar Games, quand d’autres en montrent toujours plus afin de ne pas se faire oublier par son public. Cette fois-ci, j’ai notamment en tête Ubisoft et sa saga fétiche Assassin’s Creed. Mais si les deux studios cités ci-dessus maîtrisent haut la main l’art de la communication, l’exercice reste extrêmement difficile. Même de gigantesques pointures de l’industrie ne réussissent pas à relever le défi, la faute à une communication hasardeuse, sans fil rouge ou qui ne frappe tout simplement pas au bon moment. Eh oui, le timing est aussi une donnée extrêmement importante à prendre en compte. C’est d’ailleurs cette dernière que n’a pas su dompter l’équipe de Days Gone.
Rappelez-vous, le développement de Days Gone débute fin 2012, et durant cette période, les productions post-apocalyptiques mettant en scène des zombies (oui, dans Days Gone, il y a des zombies) sont en plein essor. Et s’il y a à boire et à manger, le genre est globalement synonyme de succès critique et commercial. En 2006, c’est Dead Rising qui vient séduire les possesseurs d’une Xbox 360 avec son moteur impressionnant pouvant afficher à l’écran une multitude de morts-vivants au design unique. Sa relève, Dead Rising 2, arrivera quatre ans plus tard et sera tout aussi réussie. La saga Left 4 Dead, quant à elle, fait une entrée fracassante en 2008 avec son concept novateur proposant à quatre joueurs de faire équipe pour repousser des hordes de mangeurs de cervelles. C’est ensuite au tour de Rockstar Games de côtoyer le survival en 2010 avec Undead Nightmare, le stand-alone du premier Red Dead Redemption. L’année suivante, c’est l’expérience coopérative Dead Island qui vient proposer ses idées ; des idées qui seront reprises en 2015 par le très apprécié Dying Light. En 2012, ce sont les développeurs indépendants qui adoptent la formule, à commencer par Tequila Works et son étonnant Deadlight. Puis, en 2013, sort le fléau DayZ dans sa version early-access, ainsi que deux des plus grandes créations de l’industrie vidéoludique : j’ai nommé The Walking Dead, le jeu narratif signé Telltale Games, et The Last of Us, le chef-d’œuvre de Naughty Dog, un autre studio de chez Sony. Autant dire que les joueurs en ont vu passer des jeux de zombies et qu’ils ont eu le temps de se lasser de la formule… Alors, quand Days Gone est présenté lors de la conférence E3 2016 de Sony, le titre fait tout simplement ni chaud ni froid.
Avec cette première présentation, Sony et Bend Studio multiplient les faux pas. Comme nous l’avons vu précédemment, l’open-world arrive au mauvais moment en dévoilant une proposition vue et revue. Le genre post-apocalyptique est populaire dans le milieu du jeu vidéo et les mondes ouverts sont en quantité, mais ce n’est pas tout… L’extrait révélé fait également l’erreur d’être trop long et surtout, de trop en montrer. Bend Studio affiche à l’écran du grand salon californien plus de dix minutes de gameplay et met en scène de trop nombreuses mécaniques, ce qui, pour les potentiels fans, ne laisse que peu de place à la curiosité. Pourquoi les joueurs iront-ils chercher des informations sur internet s’ils ont le sentiment d’avoir tout vu ? Pour moi, c’est une certitude, une stratégie marketing ne doit pas être trop généreuse si elle ne veut pas perdre son public, mais doit distiller les informations afin de conserver l’attention. Le troisième défaut de cette annonce réside directement dans la séquence diffusée. Pour rappel, Days Gone place le joueur dans les bottes de Deacon St. John, un survivant qui, pour échapper à la mort, doit faire des choix immoraux, des sacrifices et, surtout, avancer prudemment. Ici, notre personnage semble effectuer tout l’inverse : il se débarrasse sans mal d’une horde composée de plus d’une centaine de morts-vivants. Même si le fait de voir tout ce monde fourmiller autour de notre biker est plus qu’impressionnant – à vrai dire, c’est du jamais vu dans un jeu vidéo –, ce que l’on retient finalement c’est que Deacon fait, ici, figure de super-héros plutôt que de simple survivant surpassé par la situation. Dans la vidéo, le joueur a toujours un tour d’avance sur les ennemis et semble même posséder des munitions à l’infini. L’aspect survie – et toute la tension que cela peut engendrer – passe alors complètement à la trappe. Pourtant, manette en mains, ce n’est pas la première impression que donne le soft, puisqu’au début de l’aventure, même les petits groupes de monstres se montrent effrayants et extrêmement agressifs. Conclusion : au lieu de simplement évoquer la richesse des idées comme souhaité, cette démonstration dessert le jeu. Elle va à l’encontre de l’esprit de la création. Mais finalement, ce n’est même pas ce dernier élément qui a tué Days Gone dans l’œuf et empêché Bend d’avoir le succès qu’il mérite, mais bien les nombreuses similitudes que le triple A partage avec The Last of Us.
The Last of Us est l’un des plus grands succès critiques de ces dernières années, et en sachant que Bend et Naughty Dog font partie de la même famille, la maison orégonaise aurait eu tord de ne pas prendre exemple sur ce titre qui a réussi tout ce qu’il a entrepris ou presque. Mais même si les deux productions répondent à une même idée, ont des thèmes en commun (la relation père/fille, la rédemption) et partagent leur sens du spectacle – que ce soit dans The Last of Us et Days Gone, l’action est frénétique –, en jeu, le titre de Bend se démarque grandement de son ainé. Ceux-ci, on le doit à son aspect « survie » plus prononcé qui fonctionne bien durant les premières heures – Deacon St. John doit fouiller les différents bâtiments abandonnés pour récupérer de nombreuses ressources et économiser l’essence de sa bécane pour pouvoir se déplacer en toute sécurité –, mais aussi à son monde ouvert. Pas seulement parce qu’il est diversifié et extrêmement agréable à contempler comme on a pu le voir précédemment, mais également parce qu’il est vivant. Il dévoile aux joueurs un véritable écosystème. Les mutants dorment le jour dans des nids et gambadent la nuit, ce qui augmente considérablement le danger. Les animaux, de leur côté, cherchent tant bien que mal un petit coin de paradis et attisent la curiosité des êtres voraces qui passent par là. Les bandits, quant à eux, n’hésitent pas à tendre des pièges sur la route pour mieux surprendre le joueur et ainsi, le dépouiller de tous ses biens. Mine de rien, tous ces éléments – réunis sous un même toit grâce au Freak-O-System – rendent le monde extrêmement vivant et crédible, surtout que cette proposition ingénieuse vient régulièrement chambouler le bon déroulé des missions. En pleine bataille avec des riders par exemple, à force de coups de feu et autres détonations, il n’est pas rare de voir s’inviter à la fête les morts-vivants alentour. Les plus stratégiques d’entre vous peuvent même mettre à profit ce système pour mettre un camp à feu et à sang sans même se salir les mains. Encore une fois, cette idée démontre de l’intelligence des mécaniques de Days Gone… malheureusement, elle est difficilement représentable dans un format vidéo. C’est pourquoi l’éditeur et les développeurs ne se sont jamais vraiment attardés sur le sujet et ont préféré mettre en avant leur gestion de la foule, une prouesse bien plus parlante pour le grand public. Autrement dit, la dernière erreur de Sony et de Bend est de ne pas avoir su parler au public de leurs intentions.
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LA PRESSE N’EST PAS INNOCENTE
Avec une telle première rencontre, Days Gone allait difficilement avoir les faveurs des joueurs et surtout des journalistes. Ces derniers ont d’ailleurs préférés se tourner vers Horizon : Zero Dawn, Death Stranding ou bien Resident Evil VII (et son mode PSVR), d’autres jeux bien plus impactant qui ont aussi été dévoilé lors de la conférence E3 2016 de Sony. Pourtant, s’il y a bien un milieu qu’il faut séduire, c’est celui de la presse. Même si elle n’est pas entièrement responsable (et fort heureusement), elle joue un rôle extrêmement important dans la réception d’un titre. Plus la note octroyée par les différentes revues et autres sites est haute, plus le jeu a de chances d’être la prochaine production en vogue ; c’est simplement une affaire de logique. Pour mieux s’en rendre compte, il n’y a qu’à regarder du côté de God of War de 2018. Après un succès déjà florissant lors de son lancement sur PlayStation 4 – la création de Santa Monica s’est écoulée à plus de 20 millions d’exemplaires à travers le monde –, le titre continue aujourd’hui son ascension grâce à sa ressortie sur Steam. Et sans surprise, God of War réalise le meilleur démarrage des jeux Sony sur PC et ne reçoit que des évaluations positives de la part des joueurs. Il y a plusieurs raisons à ce succès : premièrement, même si je n’ai pas pris mon pied sur le jeu, il faut avouer que l’expérience proposée figure ici dans le haut du panier, mais ce n’est pas tout. Ce God of War est le dernier d’une longue lignée d’une licence appréciée (contrairement à Days Gone qui est une création originale), profite d’une médiatisation énorme de la part de Sony et n’a reçu que des éloges par la presse. Gamekult, un site réputé pour sa sévérité, opte pour un 8 sur 10, tandis que JV, Gameblog, IGN ou même Polygon choisissent la note maximale. Tous ces facteurs réunis favorisent le succès d’une production. Toutefois, si la partie marketing échoue, et ce, même si le jeu est bon, il y a de fortes chances pour que le titre ne reçoive pas le même accueil. C’est le cas de Days Gone…
La création de Bend n’a pas eu une réception alarmante de la part de la presse, dire le contraire serait mentir. Le jeu a par exemple eu la note de 15 sur 20 sur JV, une note amplement méritée (je n’aurai pas mis plus de mon côté), et Gamekult a choisi un 6 sur 10. Toutefois, même si les retours sont bons – le test de JV s’attarde sur la gestion de la foule ou encore sur les effets météorologiques impressionnants et celui de Gamekult met en avant l’ambiance réussie et la profondeur des personnages –, les critiques précédemment citées partent tout de même avec une pointe de scepticisme. Les introductions des différents tests parlent d’ailleurs d’elles-mêmes :
Faisant partie des dernières grosses productions à destination (unique) de la PS4, Days Gone semble s’enfermer de lui-même dans un genre peinant quelque peu à se renouveler (l’open-world) à travers un univers vu et revu, l’apocalypse zombie. Bien que troquant les morts-vivants par des mutants, le titre de Bend Studio affiche une construction très classique dans un univers a priori sans surprise. Pourtant, à travers son gameplay et quelques excellentes idées, cette nouvelle production Sony réussit à nous retenir contre vent et marée, et ce, malgré un scénario poussif et une technique défaillante. Mais commençons par le commencement… Logan, ex-rédacteur en chef de JV
On guette Days Gone d’un œil dubitatif et un peu inquiet depuis son annonce en 2016. Non pas que la présentation du jeu de Bend Studio durant l’E3 ait fait un bide. Son cocktail post-apo’, motards et hordes de zombies a même fait son petit effet chez certains. Mais depuis, la hype s’est fait la malle. En trois ans de campagne promo, Days Gone a été incapable de prouver qu’il était autre chose qu’un mélange d’influences, qu’un pot-pourri d’idées repiquées à droite à gauche, collées sur un fond scénaristique naughtydoguesque en diable. Ce ne sont malheureusement pas ces quarante heures supplémentaires passées en compagnie de Deacon St. John qui ont changé quoi que ce soit à ce sentiment de déjà-vu et de déjà-joué. Ce qui ne veut pas dire que le voyage a été désagréable. Le Père Fidalbion, rédacteur de Gamekult
Même s’il est difficile d’en vouloir aux testeurs tant leurs tests sont justes, ces introductions hautement déceptives (que l’on retrouve également dans les critiques anglophones) ont finis par mettre le jeu de Bend sur pilori, surtout lorsque l’on sait que la plupart des lecteurs lisent rarement le corps d’un test, mais s’attarde plus particulièrement sur les quelques premières lignes, puis sur la note, les points positifs et négatifs et la conclusion. Des conclusions qui mettent d’ailleurs une fois de plus en avant les défauts majeurs de la production à commencer par ses « impairs techniques » – le jeu souffrait de nombreux bugs et de ralentissements à sa sortie – et ses quelques autres défauts rédhibitoires qui, pour être tout à fait franc avec vous, sont en nombre. Si, comme je vous le disais, les premières heures de Days Gone sont riches – elles plongent efficacement le joueur dans cet univers post-apocalyptique – par la suite, le titre se montre décevant. L’open-world a un scénario alambiqué qui traine inutilement en longueur (comptez près de 40 heures pour en venir à bout) et a un schéma de gameplay redondant. Au bout d’un moment, le joueur a simplement l’impression de devoir voyager d’un point A à un point B de la carte pour nettoyer une zone d’infectés ou de bandits. La fragilité du héros disparaît également dans la deuxième moitié du jeu au profit de cette version super-héros que l’on a pu apercevoir à l’E3 2016, et ce, même dans les plus hautes difficultés, puisque Deek débloque de nouvelles armes et compétences qui le rendent pratiquement surhumain. Eh oui, si une horde de mutants peut effrayer les premières heures, les plus grosses laissent indifférent dès les deux tiers de l’aventure. À cause de ces quelques couacs, la monotonie pointe vite le bout de son nez, et c’est d’ailleurs pour cette raison première qu’il est difficile de mettre plus de 15 à ce cher Days Gone.
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LA TRAGÉDIE PROPHÉTIQUE
Avec ce mauvais plan marketing, le destin funeste de Days Gone pouvait être prédit. Sans s’en rendre compte, cette première présentation a engendré un manque d’engouement de la part du public et de la presse. Pour vous donner un exemple parlant, je vais vous parler de mon cas personnel… Adorateur des univers prenant place dans des décors post-apocalyptiques, j’étais tout simplement le public cible de Days Gone, pourtant, le jeu ne m’a jamais vraiment attiré. Tout comme Le Père Fidalbion de Gamekult donc, à chaque présentation du jeu, j’avais moi aussi ce sentiment « de déjà-vu et de déjà-joué ». J’ai donc passé mon tour lors de son lancement et attaqué l’expérience seulement quelques mois plus tard. D’un autre côté, alors que je ne suis pas du genre à apprécier la fantasy et que je n’ai jamais vraiment accroché à la saga God of War, je me suis jeté sur l’expérience de Santa Monica dès sa sortie parce qu’appâté par les différents trailers. Cela prouve encore une fois que la campagne promo de Days Gone était désastreuse, puisqu’au final, je me suis bien plus amusé sur le jeu de Bend que sur celui de Santa Monica. Bon, tout cela pour dire que c’est ce manque d’appétence général qui, par la suite, a entraîné des retours mitigés et des ventes en deçà des attentes, qui a tué le jeu. Tout comme moi, la plupart des acheteurs de Days Gone ont attendu des baisses de prix pour l’acquérir, et c’est d’ailleurs ce que dénonce John Garvin, le directeur créatif du TPS.
Si vous aimez un jeu, achetez-le au putain de prix fort. Je ne saurais pas vous dire combien de fois j’ai vu des joueurs dire « oui, je l’ai eu en promo, oui, je l’ai eu via le PS+ ». Je dis juste : ne vous plaignez pas qu’un jeu n’ait pas de suite s’il n’a pas été adopté au lancement. God of War s’est vendu à plusieurs millions d’exemplaires à sa sortie, et, vous savez, ce n’est pas le cas de Days Gone. John Garvin, directeur créatif de Days Gone
Impossible d’être en accord avec les propos de John Garvin, tant il est difficile de savoir si l’on va apprécier ou non un jeu à l’avance et surtout parce que ce n’est pas le public qui est coupable du non-succès immédiat de Days Gone, mais les diverses mauvaises présentations. Toutefois, il y a bien évidemment une part de vérité dans ce qu’il dit : tout comme pour le cinéma, ce sont les premières semaines d’une production qui en font un succès ou non. Conclusion, même si aujourd’hui le réalisateur du jeu se réjouit d’avoir écoulé plus de huit millions d’exemplaires à travers le monde (notez que les chiffres exprimés par Jeff Ross n’ont jamais été officialisés), ce n’est pas le cas de Sony qui se focalise davantage sur les premières semaines de ventes.
Lorsque j’ai quitté Sony, Days Gone était sorti depuis un an et demi et il s’était vendu à plus de 8 millions d’exemplaires. Depuis, il s’est vendu encore davantage, et nous pouvons aussi rajouter au moins un million de ventes sur Steam. Pourtant, la direction du studio locale nous a toujours fait sentir que c’était une grosse déception. Jeff Ross
Autrement dit, même si Days Gone s’est montré rentable sur le long terme, Sony a jugé ce projet trop coûteux, trop risqué, la faute aux premières semaines de ventes non concluantes. Et pour minimiser cette prise de risque justement, la société japonaise a choisi d’enterrer la licence et de détruire, par la même occasion, tout espoir de voir une suite débarquer un jour alors même qu’un second épisode était d’ores et déjà en chantier. D’après Jeff Ross toujours, Sony aurait en effet indiqué aux employés de Bend en 2019, soit quelques mois après la publication du jeu sur PlayStation 4, qu’un Days Gone 2 ne sera pas une « option viable ». Pour assurer ses arrières et ainsi maximiser les profits, Sony aurait alors de nouveau transformé Bend en un studio de soutien qui devait travailler aux côtés de Naughty Dog sur une expérience multijoueur et partir sur la création d’un nouveau spin-off pour Uncharted. Retour à la case départ donc…
Sony ne peut financer qu’un certain nombre de jeux, je pense que c’est compréhensible… Il ne se fait pas de l’argent à travers des contenus additionnels comme Fortnite, donc il doit être prudent. Pour Sony, chaque génération est une question de survie. Il n’a jamais été richissime et doit donc être malin. Je pense que les fans doivent comprendre cela. Jeff Ross
C’est d’ailleurs cette dernière décision de la part de Sony qui a poussé Jeff Ross à quitter son poste au profit de NetherRealm (Mortal Kombat 11, Injustice 2) et le directeur créatif John Garvin de prendre sa retraite. De leur côté, les développeurs de Bend, de peur d’être absorbés par Naughty Dog, ont fait part de leur mécontentement et… heureusement.
Si Days Gone n’est pas parfait, loin de là, Bend a du talent… Il suffit de jeter un œil sur l’univers post-apocalyptique que le studio a façonné pour s’en rendre compte. Le monde de Days Gone est fascinant et beau à en tomber. C’est d’ailleurs pour cette raison que de nombreux joueurs, dont moi, pensent que le studio mérite amplement une seconde chance. Et même si l’on peut faire définitivement une croix sur les aventures de Deacon St. John, il semblerait que l’on ait été écouté puisque la maison orégonaise n’aura pas d’Uncharted au menu pour sa prochaine production, mais travaillera sur une proposition bien à elle. Cette dernière, encore bien mystérieuse, se déroulera à nouveau dans un gigantesque monde ouvert qui, je l’espère, aura le droit à un accueil plus chaleureux de la part des joueurs, de la presse et de Sony, mais pour ça, il faut que Bend et son éditeur travaillent leur prochaine campagne marketing.