À la fin du siècle dernier, Activision collabore avec un certain Tony Hawk, un jeune skateur qui fait beaucoup parler de lui, non pas pour développer un titre opportuniste – même si –, mais pour réaliser une révolution vidéoludique. De là née la saga Tony Hawk’s Pro Skater qui marquera l’histoire du jeu vidéo avec plus de dix épisodes canoniques et qui inspirera bon nombre de concurrents, à commencer par Aggressive Inline – qui va s’amouracher de la star du roller Taïg Khris –, mais aussi AirBlade, Kelly Slater’s Pro Surfer et même BMX XXX, une variante un brin sexy du jeu de sport extrême Arcade. Malheureusement, même si la franchise d’Activision a affiché de nouveaux standards à suivre, jamais ô grand jamais elle n’a trouvé d’opposant à sa taille, si ce n’est le coloré Jet Set Radio. La formule n’a alors cessé de tourner en rond et vingt ans après, on a toujours cette curieuse sensation d’être encore en 1999, date de sortie de Tony Hawk’s Skateboarding, tant la recette n’a que peu évolué. Mais c’était sans compter sur l’entrée explosive de RollerDrome cet été, une création signée Roll7 qui vient bousculer les codes !
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TONY HAWK’S PRO FLINGUEUR
Décidément, Roll7 est en forme ces derniers temps. Après avoir conquis tout le monde en début d’année avec OlliOlli World, une production qui vient donner de l’épaisseur à la licence OlliOlli, l’équipe est déjà de retour pour nous montrer une fois de plus leur amour pour les sports de glisse. Sauf que cette fois-ci, avec RollerDrome, le personnage principal délaisse la planche à roulettes au profit d’une paire de rollers… mais aussi de flingues. Eh oui, nous voilà plongés en l’an 2030, dans un univers régi par la violence où seule la loi du plus fort l’emporte. La société Matterhorn l’a très bien compris et fait de cette animosité envers les uns et les autres son gagne-pain en organisant des tournois de RollerDrome, un sport étonnant qui allie si bien roller et agressivité. Autrement dit, si le jeu RollerDrome reprend tout de son mentor Tony Hawk’s Pro Skater, l’objectif ici n’est plus seulement de réaliser des figures improbables pour maximiser le score, mais aussi de faire parler la poudre pour mettre à mal divers opposants. Tout le long des onze arènes à traverser pour voir le bout de l’aventure, de nombreux ennemis – appelés ici des Joueurs Maisons – viennent vous mettre des bâtons dans les roues en employant la manière forte. Certains essayent de vous balayer à coup de batte cloutée, quand d’autres débarquent sur le terrain avec des missiles téléguidés et d’autres encore vous pourchassent avec des fusils lasers ou des méchas pour le moins sophistiqués.
Le joueur, dans la peau de Kara Hassan, une novice du tournoi RollerDrome, va alors tout faire pour faire le tri parmi ces antagonistes… Cela tombe bien, puisque dans ce jeu télévisuel qui met la violence sur un piédestal, il est nécessaire d’éliminer des participants le plus vite possible pour augmenter sa jauge de combo. Heureusement, la jeune Kara Hassan est plutôt agile, elle s’élance dans les airs avec une facilité déconcertante, réalise des backflips sans sourciller et peut même ralentir le temps à la manière du bon vieux Max Payne. C’est d’ailleurs à ce moment précis qu’elle a la possibilité de dézinguer tout le monde tout en utilisant le point faible de chacun. Si les pistolets font l’affaire pour les adversaires les moins véloces comme les Fantasins et les Tireuses d’Élite, rapidement, il faut s’armer d’un fusil à pompe ou encore d’un lance-grenade ou même d’un fusil laser, le Z-11, pour venir à bout des plus gros.
L’une des très grandes forces de RollerDrome, ce n’est pas seulement qu’il mélange les genres pour proposer une idée aussi explosive qu’originale, mais que toutes les mécaniques apportées s’imbriquent parfaitement entre elles. Pour marquer des points, il faut exécuter des figures. Pour augmenter sa jauge de combo et ainsi multiplier son score, il est nécessaire de tuer des adversaires. Pour éliminer ces derniers, il est indispensable d’avoir des munitions. Et pour recharger ses armes, la seule solution est de réaliser des grabs et autres grinds. En d’autres mots, la boucle est bouclée. Grâce à cette complémentarité, le titre trouve un parfait équilibre entre action et fuite ; il oblige constamment à se mouvoir, à esquiver, à faire des tirs de plus en plus précis, plus encore, à se surpasser pour remplir les quelques défis propres à chacun des niveaux.
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Toujours plus de challenges : En plus de la campagne principale qui demande 4 à 5 heures de jeu pour le 100%, RollerDrome dispose d’un second mode qui s’obtient une fois le premier terminé. Celui-ci, intitulé Ça va saigner !, appelle aux plus courageux d’entre vous de redoubler d’effort pour faire face à des défis encore plus coriaces ; clairement, pour en voir le bout, il faut des nerfs d’acier. C’est une très bonne nouvelle, puisque l’un des gros problèmes du genre, c’est de ne jamais proposer d’objectifs qui tiennent en haleine de longues heures durant. À l’inverse, si vous trouvez le premier mode trop dur, et à raison – pour peu que vous ne soyez pas habitué aux jeux de sports Arcade, RollerDrome est très difficile à prendre en main –, notez qu’il est aussi possible de rendre le tout plus accessible avec des vies illimitées ou des munitions infinies.
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UN BEL UNIVERS, MAIS DIFFICILEMENT CRÉDIBLE
Comme toujours avec Roll7, RollerDrome débarque avec une direction artistique qui vaut le coup d’œil. Après OlliOlli 2 : Welcome to Olliwood qui fait dans le minimalisme et OlliOlli World qui est venu sublimer le média en février dernier avec des tons pastel enchanteurs et des personnages tout droit sortis d’un dessin animé pour enfant, RollerDrome arbore un style plus tranché, plus adulte, avec des lignes très marquées et des aplats de couleurs impressionnants qui rappellent grandement Sable, ou plutôt Mœbius, le maître qui l’a inspiré. Dommage, toutefois, cette rigidité dans les déplacements de Kara Hassan et cet aspect brouillon qui rythme les batailles quand déboule un trop-plein d’ennemis dans les derniers niveaux. Rapidement, les diverses explosions et autres tirs de laser recouvrent l’image qui tournoie dans tous les sens, ce qui peut donner la nausée. Ce problème survient également au niveau du sound-design qui veut retranscrire tout ce qui se déroule à l’écran, et ce, quitte à faire de la bouillie auditive. Heureusement, cette dernière tare est vite oubliée grâce à l’ajout d’une bande-son électrisante qui renvoie directement dans les années ’80.
Pour englober tout cela, RollerDrome propose en toile de fond un mystère à désépaissir. Avant chaque début de chapitre, la production de Roll7 nous permet d’assister à de courtes phases de jeu en vue subjective où il est possible de grappiller quelques informations à droite comme à gauche concernant l’entreprise Matterhorn, une société aux intentions plus que douteuses. Malheureusement, les indices se font trop rares et cette idée n’est finalement que tout juste esquissée, tout comme le fait que l’on participe tout le long de l’aventure à un sport extrêmement médiatique qui rapporte beaucoup d’argent. Excepté le premier niveau qui se passe dans une arène où spectateurs et caméras soutiennent l’événement, rapidement, Kara Hassan va jouer dans des zones désertiques, dans un centre commercial désaffecté ou au sommet d’une montagne, des lieux qui ne disposent d’aucun public, d’aucun objectif, de zéro sponsor. Ajoutons à cela le fait que les véritables opposants de notre héroïne sont invisibles, ce qui empêche RollerDrome d’exister au-delà de ce qu’il est, un objet ludique que l’on peut parcourir manette en mains.
RollerDrome fait un bien fou ! Il est venu donner un souffle nouveau à un genre qui peine à évoluer depuis plus de deux décennies maintenant, grâce à un gameplay organique qui mélange habilement les genres et qui fonctionne à tous les étages. Toutes les mécaniques de jeu se font constamment écho pour offrir un spectacle d’une fluidité exemplaire où « gunfight » rime avec « figure » et inversement. Néanmoins, malgré la présence d’une direction artistique qui fait mouche, on peut regretter ce trop-plein d’informations qui vient nuire à la lisibilité de l’action lors de certaines batailles et le fait que l’univers conté ne tient pas suffisamment bien la route.