Dead Island 2 : trop d’attente tue l’attente !

E3 2014 ! PAAM ! Une bombe ! Alors que Dead Island premier du nom résonne encore dans le cœur des joueurs, voilà que Deep Silver dévoile sa suite avec un trailer d’annonce qui prend à contre-pied celui du premier opus. Le ton autrefois dramatique laisse place à beaucoup d’humour : tandis qu’un homme, entièrement dans sa bulle et Walkman sur les oreilles, déambule en patins sur Venice Beach, la plage derrière lui est mise à feu et à sang par des morts-vivants. Ce teaser fait mouche, surtout qu’il en profite pour révéler la bonne nouvelle : Dead Island 2 est attendu pour l’année suivante, soit pour le printemps 2015. Malheureusement, la suite de l’histoire, vous la connaissez… Tout ne se passe pas comme prévu pour le nouveau bébé de Deep Silver. Le jeu change de mains à deux reprises – pourquoi ? parce que ! – et est repoussé un nombre de fois incalculable. C’est seulement huit ans plus tard que le hit sort du four. Et ceci explique sûrement ce petit goût de cramé.

BARRE

Dead Island 2 : trop d’attente tue l’attente ! (version vidéo)

BARRE

En huit ans, les joueurs qui ont connu Dead Island premier du nom ont bien grandi, tout comme le jeu vidéo : Dead Island ne fait alors plus figure d’exception dans le paysage vidéoludique. Depuis, Dying Light, sa suite spirituelle, est passé par là. Et même si j’éprouve peu de sympathie pour lui, il faut avouer qu’il est venu dynamiser la proposition grâce à l’ajout d’une dimension « parkour ». À l’image d’un Assassin’s Creed ou d’un Mirror’s Edge, il est possible d’escalader tout et n’importe quoi. ZombiU fait également partie des descendants de Dead Island, tout comme la myriade de jeux en réalité virtuelle qui ont contribué à développer l’immersion et la liberté d’expression. Avec The Walking Dead : Saints & Sinners – un exemple parmi tant d’autres –, le caractère scripté des séquences d’action passe au second plan, puisque l’on peut interagir avec tout et n’importe quoi et que la technologie reproduit à la lettre les faits et gestes du joueur. Autrement dit, quand sort Dead Island 2 en 2023 – une suite censée débarquer en 2015 et reprendre les mécaniques d’un jeu de 2011 –, on ne peut que constater qu’il est le fruit d’une autre époque et qu’il a un sérieux retard sur la concurrence. C’est dommage, parce que ce nouvel opus n’est pas mauvais, surtout au vu des nombreuses mésaventures qu’a vécues la production pour en arriver là ; Dead Island 2 a tout de même fait partie des plus grosses arlésiennes du jeu vidéo.

BARRE

PLUS QU’UN TRAIN DE RETARD

Dead Island 2_20230410165558Que ce soit son humour rétrograde, ses mécaniques de jeu, son rythme ou même sa structure, tout respire la fin des années 2000 et le début des années 2010. Malheureusement, et vous l’avez sans doute remarqué, nous sommes maintenant en 2023, année de sortie du soft. À peine lancé, et voilà que le jeu fait d’ores et déjà figure d’antiquité. Contrairement à son aîné qui est arrivé avec un concept original, aujourd’hui, il ne reste à Dead Island 2 que sa dimension décomplexée, marque de fabrique de la licence. Le titre en est d’ailleurs parfaitement conscient et joue sans cesse de son étiquette « jeu fun » pour tenir le joueur éveillé.

L’intrigue minimaliste et les premières rencontres en sont les parfaits exemples. Nous sommes à L.A., Cité des Anges mais surtout de tous les péchés. La grande majorité des protagonistes sont déjantés et/ou complètement défoncés. La réalité des événements leur échappe ; ils continuent de faire la fête et à se remémorer leurs succès passés. Ces différents personnages m’ont surtout fait souffler du nez ; le titre, à l’image d’un Riders Republic, fait partie de cette catégorie de jeu « cool » mais finalement très ringard. Mais j’avoue avoir tout de même souri à une ou deux reprises, surtout que la création de Deep Silver s’autorise quelques trouvailles visuelles pour renforcer l’aspect comique des situations.

De son côté, et c’est bien évidemment ce qui nous intéresse, le gameplay joue également la carte du fun. À l’instar du premier chapitre de la licence, Dead Island 2 se présente comme un Dead Rising en vue à la première personne, où l’objectif premier est de défoncer des hordes de morts-vivants à l’aide d’armes de fortune. Une clef à molette peut donc être transformée en une machine à tuer, une hache peut être allégée pour plus de mobilité ; ajouter un circuit électrique à un couteau est également possible, tout comme prendre un bidon d’essence pour asperger sa prochaine victime et lui mettre le feu. Vous l’avez compris, tous les coups sont permis quand il s’agit de massacrer du macchabée, pour peu que vous ayez l’âme créative (et un peu psychopathe sur les bords). Le tout est sublimé par une physique, directement héritée du premier opus, qui est toujours aussi spectaculaire. Frapper à répétition la tête d’un zombie et sa mâchoire tombera en vrac, cibler les jambes et celles-ci se briseront… Là où le joueur attaque, il y a un impact. Cela peut prendre la forme de bleus, de coupures ou même de viscères exposés aux yeux du monde. Autrement dit, c’est encore très plaisant de dégommer du zombie. Toutefois, cette recette ne suffit plus.

BARRE

DES COMBATS QUI MANQUENT DE PUNCH

Dead Island 2_20230410165851Si victimiser des zombies par dizaines est drôle, c’est seulement lors des premières minutes. Très rapidement, et comme le laissaient présager les récentes bandes-annonces, une fois la découverte de la physique des combats passée, les défauts, en nombre, sautent aux yeux. Il faut dire que les affrontements manquent de punch, la faute à un tas de paramètres mal ajustés. Tout est très lourd : les déplacements sont très lents et les morts-vivants sont mous du genou, et ce, quel que soit leur niveau – parce que oui, dans Dead Island 2, il y a encore ce côté light-RPG malvenu. Impossible pour eux d’escalader un rebord de fenêtre par exemple, ou même de contourner une baie vitrée alors qu’une ouverture se situe à proximité : ces derniers vont obligatoirement frapper sur cette gigantesque vitre jusqu’à ce qu’elle cède.

BARRE

En parlant de light-RPG : À l’instar du premier épisode, Dead Island 2 dispose d’une dimension light-RPG. Les zombies ont donc des niveaux, tout comme notre héros que l’on doit sélectionner parmi six disponibles – chacun ayant bien entendu leurs propres spécialités. Sur le papier c’est intéressant, mais une fois en jeu, on se rend compte que tout cela n’apporte strictement rien. À part quelques rares exceptions, les zombies évoluent en même temps que les joueurs. Les compétences importantes, quant à elles, se débloquent en progressant dans la campagne principale. Et pour finir, tous les personnages se jouent de la même manière. J’ai testé deux survivants aux caractéristiques opposées, et très rapidement, je me suis retrouvé avec exactement deux mêmes archétypes. Bon…

BARRE

Pire, de l’introduction au grand final, il n’y a aucune évolution en termes de gameplay. Quoi qu’il arrive, le soft demande de matraquer des morts-vivants, jamais en surnombre et peu réactifs, pour rigoler. Et si quelques monstres plus féroces font leur entrée au fur et à mesure des 10 heures de jeu – temps nécessaire pour terminer la campagne principale et une poignée de quêtes secondaires –, l’approche reste continuellement la même. On tourne autour d’un zombie balèze ou non pour éviter les coups, tout en visant les jambes pour le déstabiliser ou la tête pour la lui retirer.

Parfois, le jeu semble lucide du manque d’évolution de sa formule, et c’est pour cette raison qu’il se donne tant de mal pour faciliter la progression du joueur. Une compétence complètement cheatée apparaît par exemple au milieu du jeu pour passer plus rapidement les combats, tandis que les cadavres ambulants ne représentent aucune menace : un comble pour un jeu de zombies. Dans Dead Island 2, mourir n’est en aucun cas pénalisant, puisqu’il n’y a pas de retour en arrière via un checkpoint après une mort, mais un court écran de chargement pour permettre au joueur de reprendre sa partie là où elle s’était arrêtée. Après un Game Over donc, on récupère ses armes et son argent comme si tout cela n’avait pas réellement existé, et les ennemis déjà amochés ou même éliminés restent, quant à eux, déjà amochés ou éliminés.

Dans un premier temps, on se surprend alors à enchaîner les massacres sans même réfléchir, juste pour s’amuser à mutiler quelques morts-vivants, puis, dans un second temps, à éviter tous les combats pour se rendre plus rapidement au bout de l’aventure (qui se termine sur un cliffanger grossier). On bâcle également les rares quêtes secondaires qui, malheureusement, portent bien leur nom, tant elles n’ont profité d’aucun soin de la part de Dambuster Studios, la troisième maison en charge du projet.

BARRE

QUAND L’ENVIRONNEMENT SUBLIME LA VIOLENCE

dead-island-2La maison britannique s’est donnée du mal pour retranscrire l’ambiance colorée et désinhibée que l’on peut se faire de Los Angeles (renommée Hell-A pour l’occasion). On a constamment l’impression de voyager dans des cartes postales tant les environnements sont beaux, chatoyants, magnifiés par des éclairages travaillés. Que l’on se promène sur Venice Beach, s’aventure dans les studios d’Hollywood, s’abandonne sur la jetée ou que l’on visite les gigantesques maisons de Bel-Air, le dépaysement est total. Ces décors paradisiaques contrastent avec la violence exacerbée et sans limite des rares humains encore en vie – puisque ce sont les survivants et nous, joueurs, qui réalisent les plus grosses atrocités. Cette situation à priori paradoxale ajoute un petit discours, conscient ou non, sur la violence. Autrefois invisible, cachée sous un apparat de beaux habits ou de grands murs immaculés, la violence explose, s’expose au grand jour. L’apocalypse ne semble alors être qu’un prétexte pour les riches de Los Angeles qui peuvent ainsi exprimer librement leur colère, à l’image de cette artiste, complètement givrée, qui fait des toiles avec du sang de zombies, et bien évidemment du joueur qui ne recherche en Dead Island 2 rien d’autre qu’un bon gros défouloir.

Mais la qualité visuelle des environnements et de la représentation de la violence ne suffisent pas à masquer cette structure de jeu venant d’un autre temps. Avant même que je me lasse des combats répétitifs et sans challenge, c’est bel et bien le découpage de Dead Island 2 qui m’a déçu. C’est simple, le titre fait une immense marche arrière par rapport au premier chapitre pourtant sorti il y a plus de dix ans maintenant. Désormais, il n’est donc plus possible de conduire un véhicule pour aller d’un point A à un point B, puisque la carte a été subdivisée en plusieurs petits terrains de jeu. Un tel procédé rappelle Total Overdose qui revendiquait être un GTA-like, sans même proposer de monde ouvert.

Ces petites zones, au nombre de dix, sont séparées par de courts temps de chargements ; bien souvent, elles sont linéaires et n’offrent que deux ou trois points d’intérêts. C’est le cas du second niveau du jeu, à savoir Hôtel Halperin, qui est uniquement composée d’un gigantesque boulevard et d’une seule bâtisse à visiter : le fameux hôtel en question. L’exploration passe alors au second plan, puisque l’on comprend rapidement que les différentes quêtes vont nous faire traverser les lieux importants. Il suffit donc de suivre les missions pour parcourir l’ensemble de la carte, si l’on peut l’appeler ainsi.

Dead Island 2 est un peu le Benjamin Button du monde vidéoludique ! En choisissant d’être trop fidèle à son aïeul, de peur de trahir les fans de la première heure, surtout après tant d’années d’attente, le titre est un jeu né vieux, qui n’a que peu d’arguments par rapport à la concurrence. La structure, les combats et même l’humour, tout ce que propose Dead Island 2 a un train de retard, et malheureusement, rien n’est fait pour le rattraper.

Laisser un commentaire

Créez un site ou un blog sur WordPress.com

Retour en haut ↑