Outlanders, le jeu de gestion pour les nuls

Si depuis une dizaine d’années maintenant, les Souls tendent à pousser les joueurs dans leurs retranchements en augmentant considérablement la difficulté, quitte à ne viser qu’un public de niche, dans l’ensemble, le jeu vidéo est un média qui se veut de plus en plus accessible. Pour preuve, même Elden Ring, successeur des Souls et dernier-né de FromSoftware, ajoute des options pour faciliter la vie de sa courageuse communauté. Outre cette saga devenue malgré tout populaire, un autre genre vidéoludique peine à se rendre plus abordable : le jeu de gestion. C’est dans cette optique que débarque Outlanders, un titre récemment sorti sur Apple Arcade – ce qui n’a rien d’anodin – et Steam. Reste à savoir maintenant si « gestion » et « accessibilité » font bon ménage…

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ACCESSIBILITÉ COMME MAÎTRE-MOT

Outlanders (3)Ce n’est pas nouveau : plusieurs licences phares du jeu de gestion ont déjà tenté de séduire un public plus large. Certains ont choisi des thèmes qui touchent davantage les enfants et les adolescents (Viva Pinâta, RollerCoaster Tycoon, Theme Park) quand d’autres ont assoupli leurs mécaniques de jeu à l’occasion de leur arrivée sur consoles (Zoo Tycoon, ANNO, Civilization). Mais lorsque l’on observe plus en détail les productions du genre, on constate vite que cette ambition n’en concerne qu’une infime partie et que beaucoup de franchises, pour ne pas dire la très grande majorité, ont abandonné l’idée de rendre leur formule plus accessible en chemin. C’est le cas de la licence ANNO, par exemple, qui en 25 ans d’existence n’a eu qu’un opus – sur huit – à destination du grand public, à savoir ANNO : Créez Votre Monde, sorti en 2009 sur Wii. Les RollerCoaster Tycoon et autres Theme Park, des titres plus ou moins faciles d’accès, ont de leur côté complètement disparu, remplacés par le très apprécié Planet Coaster qui, par certains aspects, ressemble plus à un logiciel de modélisation 3D qu’à un véritable jeu de gestion. Pour enfoncer le clou, je dirais que ces derniers temps seuls Two Point Hospital (2018) et Two Point Campus (2022) ont eu pour objectif d’être tout public. Outlanders, la création de Outbox S.R.L., sortie pour la première fois sur Apple Arcade en 2019 et récemment arrivée sur Steam, compte bien évidemment combler ce manque

Outlanders (5)En optant en premier lieu pour une sortie sur Apple Arcade, le service gaming disponible sur iOS, Outlanders affiche des intentions on ne peut plus claires : se rendre accessible au plus grand nombre. Aujourd’hui encore, cette volonté d’être jouable par toutes et tous se manifeste par le lancement du soft sur Steam. Mais ce qui est intéressant, c’est que cette envie va au-delà même du choix des plateformes. La direction artistique, minimaliste et maitrisée, en est la parfaite illustration : les jolis effets de lumière, les teintes des bâtiments pleins de charme, les personnages réussis, tout est régi par des aplats de couleurs. Ainsi, la D.A. semble avoir été pensée pour tourner sur un maximum de machines, du téléphone portable en passant par la tablette et l’ordinateur le moins puissant du marché, des supports plus généralement utilisés par des joueurs occasionnels. Les mécaniques de jeu, quant à elles, sont expliquées pas à pas grâce à un mode Campagne bien ficelé et plutôt long, qui distille toutes ses idées (peut-être un peu trop). Au début, donc, le joueur doit travailler avec un minimum de ressources, avant de voir débarquer au compte-gouttes un peu plus de bâtiments, et ne sera jamais assailli par un trop-plein d’informations, ce qui lui laisse le temps de prendre ses marques. Vous l’avez compris, l’objectif de Outlanders est d’être un jeu de gestion pour les non-gamers, ce qu’il réussit avec brio.

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QUAND LE JEU LAISSE PLACE À LA PASSIVITÉ

20230314155929_1À l’image d’un ANNO, Outlanders propose de gérer une île abritant une toute petite communauté vivant d’amour et d’eau fraîche ; mais contrairement à la licence d’Ubisoft, ici, il est impossible de découvrir de nouvelles contrées. Autrement dit, le joueur doit obligatoirement concevoir à partir des ressources limitées d’un même lieu. Parfois, les partisans – noms des villageois – débutent sur une île faite uniquement de sable et de roches. Il faut alors trouver des alternatives pour s’en sortir. L’une des meilleures missions, à savoir « Le Strict Nécessaire », s’appuie justement sur cette idée : pour se fournir en bois et ainsi construire des structures, il faut recycler les bâtiments préconçus et ses propres constructions une fois que celles-ci ne sont plus d’aucune utilité. Avec ce parti-pris bienvenu, la production s’apparente plus à un casse-tête facile d’accès plutôt qu’à un véritable jeu de gestion. Une bonne proposition qui vient quelque peu changer les règles d’un genre qui peine à se renouveler.

Si la partie casse-tête fonctionne à merveille, ce n’est pas vraiment le cas de l’aspect gestion, qui rencontre constamment des limites. Comme nous l’avons vu plus tôt, les îles manquent de place, ce qui pousse à privilégier un nombre restreint de villageois et de bâtiments pour les nourrir ou les divertir. Ces villageois ne sont d’ailleurs pas contrariants, puisque rien n’entache vraiment leur bonne humeur. Il est par exemple possible de voter des décrets qui obligent les partisans à consommer moins ou à travailler plus, des options qui permettent souvent d’atteindre plus facilement un objectif fixé. Et même si le tutoriel montre bel et bien que ce genre de pratiques fait baisser le moral des troupes, dans les faits, elles n’ont aucune influence une fois en jeu. Quoi que vous fassiez, le peuple obéit au doigt et à l’œil… Ça change des manifestations, torche à la main, des habitants du Maître de l’Olympe : Zeus. Ajoutons à cela que les colons n’ont aucune envie d’évoluer, d’avoir de plus belles maisons ou de meilleures activités près de chez eux : ils se contentent toujours de leur actuelle situation.

Outlanders (2)Les éléments qui viennent ajouter un peu de piment sont les consignes dictées à chaque début de partie du mode Campagne par le meneur de l’île, un personnage un peu plus excentrique que la moyenne. Dans un premier temps, ses objectifs paraissent concrets : il réclame de constituer des réserves de nourriture avant l’arrivée d’une tempête, de réparer sa maison ou de bâtir un monument à son effigie. Mais rapidement, ces quêtes n’ont ni queue ni tête. La mission « Une Colonie Du Jour Au Lendemain » en est un bel exemple puisque le meneur exige que l’on construise un total de six fermes, quatre boulangeries, trois moulins, deux tavernes, deux boutiques de bonbons et près d’une vingtaine d’habitations, sans que cela ait véritablement de sens. Si on peut y trouver une certaine logique d’un point de vue du casse-tête, cela n’en a aucune si l’on observe le titre sous l’angle du jeu de gestion. Pour être plus précis, sur l’ensemble des bâtiments érigés, pour faire vivre ma communauté, seuls deux fermes, un moulin et une boulangerie étaient utiles.

C’est une bonne chose que Outlanders soit accessible au plus grand nombre ; ce qui l’est moins, c’est que cette accessibilité soit un artifice pour masquer sa superficialité. Rapidement, on se rend compte que Outlanders manque de complexité, la faute à un nombre trop restreint de types de ressources (bois, planche, pierre, nourriture) et à des îles définitivement trop petites. En quelques clics, le joueur trouve ses marques et active des automatismes en établissant un bûcheron par-ci, un cueilleur par-là, puis une scierie et une carrière. Dès lors, le principal est fait pour construire la grande majorité des structures. Il ne reste plus qu’à prendre les devants en donnant quelques consignes aux partisans et à attendre sagement qu’ils fassent le reste du boulot. En plus de créer une dissonance certaine entre « discours » et « gameplay » – les partisans censés être des hippies vivant loin des civilisations pour une vie meilleure se trouvent vites dans l’engrenage d’un nouveau système capitaliste –, le joueur laisse sa place de joueur et devient simple spectateur – les villageois accomplissent presque tout le travail de leur propre chef. Sur une partie d’une heure, on a l’impression de ne compter qu’une petite vingtaine de minutes.

Fort d’une direction artistique sobre et réussie, Outlanders s’assure une compatibilité avec le maximum de machines tout en restant plus qu’agréable à l’œil. Minimalisme et accessibilité sont deux arguments qui font bien évidemment écho aux ambitions du titre, qui se veut un jeu de gestion pour les nuls. Parfois plus proche du casse-tête que de la gestion pure et dure – du fait d’un manque de ressources sur chaque île –, Outlanders accompagne intelligemment le joueur pour l’amener vers le succès et ne surcharge jamais l’écran d’informations ou de tâches à accomplir. Mais si Outlanders est une bonne pioche pour toutes celles et ceux qui sont étrangers au genre, pour les autres, c’est beaucoup moins vrai. N’étant moi-même pas un expert en jeu de gestion, j’ai vite trouvé que le titre manquait de profondeur, ou plutôt de complexité. Pour preuve, j’ai souvent laissé mes villageois faire leurs petites affaires des heures durant sans que j’en sois pénalisé. Pire, en faisant cela, j’ai même réussi à plusieurs reprises, pour ne pas dire tout le temps, à remplir les objectifs demandés. Rapidement, le joueur est placé en position de passivité, une erreur qu’une production vidéoludique ne doit jamais commettre. Outlanders, c’est donc une jolie trouvaille, mais qui s’adresse avant tout aux néophytes.

3 commentaires sur “Outlanders, le jeu de gestion pour les nuls

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  1. bonjour,

    cela fait un mois que je suis bloqué sur un niveau en classe « saison feuillage »

    Josephine rustique ,je n’arrive pas à faire aller les partisans au feu de joie … j’aimerai vraiment une aide car je ne peux plus jouer depuis quelques mois, je suis vraiment bloqué.
    merci à vous !

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    1. Hello !

      Malheureusement, je ne pourrais pas t’aider. Le jeu ne m’a pas laissé un souvenir impérissable et du coup, j’ai un peu oublié. Tout ce que je sais, c’est que tu ne peux pas obliger tes villageois à participer au feu de joie, mais il faut que tu remplisses toutes les conditions demandées pour qu’une cinématique se lance et que tout le monde assiste à l’événement.

      Sorry

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